You are currently viewing Jazz relationnel

Jazz relationnel

Le mystère de l’expert-comptable (extrait de l’ouvrage)

« Moi, j’ai pas que ça à faire que rendre des comptes à l’administration ! Votre stage, j’en ai rien à foutre ! C’est pas avec ça que je vais trouver du boulot !!! Rien à cirer !… En plus, un stage !!!… Nouvel élan !!! Un nouvel élan !… Comme si c’était aussi simple que ça que de trouver du boulot en prenant un nouvel élan !… Prendre un nouvel élan !! Vous vous rendez compte ?… Moi je ne touche rien au chômage, j’emmerde personne, je ne touche pas un kopek ! En plus, j’ai rien demandé à personne et là, on m’oblige à venir vous rendre des comptes !… Tout ça pour prendre un nouvel élan !… Je n’ai pas besoin de prendre un nouvel élan, parce que déjà pour prendre un nouvel élan, il faudrait que j’aie une trajectoire pour aller vers un but ! Moi, je n’ai pas de but, vous voyez, et même … Si vous croyez que vous allez me trouver un boulot ?… Moi ?… Moi, ça fait vingt ans, ça fait vingt ans que je n’ai pas bossé, alors pour me trouver un boulot, avec en plus un nouvel élan !!!…».

C’est sur ces paroles acerbes que je retrouve Gilbert qui s’adresse à moi comme s’il ne m’avait jamais vu, comme s’il m’était parfaitement inconnu, comme si notre première rencontre, dans les mêmes conditions trois mois plus tôt, n’avait jamais existé !

Agé de cinquante ans, expert-comptable de formation et ancien jeune professeur de comptabilité, je sais qu’il est inscrit à Pôle emploi depuis plus de quinze ans, sans jamais avoir travaillé, ne serait-ce qu’une seule journée et pour un comptable très qualifié : une énigme !!! 

Lors de notre entretien précédent, il m’avait tenu à peu près le même discours et d’un commun accord, après plusieurs circonvolutions intellectuelles, nous avions convenu que s’il n’avait pas retrouvé un emploi la prochaine fois que je le rencontrerais, il serait alors obligé de participer à la prestation d’une semaine que je lui proposerais à nouveau. 

A l’époque, la conseillère chargée de son accompagnement m’avait expliqué « qu’il serait important de faire quelque chose pour lui, parce qu’elle ne savait plus quoi lui proposer » et surtout « qu’elle en avait marre de devoir affronter la vacuité de ses désirs d’insertion professionnelle, de supporter ses sarcasmes et ses reproches à chacune de leurs rencontres ». 

Elle avait appris que son épouse dirigeait un cabinet d’expertise comptable et elle le soupçonnait de sûrement travailler pour elle, sans être déclaré, et que son inscription à Pôle emploi n’était pour lui qu’une simple couverture à vocation « administrativo-juridique » pour on ne sait trop quelle raison. De plus, sans jamais avoir eu en main de preuve formelle, elle avait ajouté qu’à chaque fois qu’il avait postulé sur des offres de comptable, il avait toujours tout mis en œuvre pour saboter sa relation à l’entreprise. 

Aujourd’hui, en recevant à nouveau Gilbert, une question me traverse l’esprit : m’aurait-il vraiment oublié ou s’agirait-il pour lui d’un jeu psychique ? Aurait-il oublié notre accord ? Et si oui, est-ce consciemment ? Aurait-il été lobotomisé ou souffrirait-il d’une maladie altérant vraiment sa mémoire ?

 Afin d’en avoir le cœur net, je prends le risque d’une stratégie d’opportunité…

Pour connaitre la suite et découvrir le reste de l’ouvrage…