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La vie est une flèche

Les vies antérieures (extrait de l’ouvrage)

Dans l’un des groupes suivants, un cas remarquable me fut soumis.

Alain, quarante cinq ans, avait été dans sa prime jeunesse, un commercial très compétent à tel point, qu’il avait ensuite occupé pendant dix années le poste de directeur des ventes d’une PME de trois cent salariés. Puis, sur ce qui semblait être un coup de tête, Alain avait démissionné, divorcé, et, au moment où je l’ai rencontré, il était bénéficiaire du RMI depuis trois ans. C’est en désespoir de cause qu’un agent de l’ANPE m’avait demandé de l’accepter sur le stage ; de fait, en situation d’entretien, hormis ses sentiments sur le jour, la nuit, la semaine et le temps qui passe, il n’arrivait pas à lui arracher autre chose que des platitudes. Affichant une grande tristesse, Alain représentait l’archétype d’une personnalité en arrêt sur image, portant sur lui le fardeau inexpliqué d’une langueur de vivre. Tout lui pesait, même dire bonjour était pour lui un arrachement.

Le groupe de quinze personnes dont il faisait partie était assez dynamique malgré une durée moyenne de chômage avoisinant les trente mois. Chaque exercice obtenait l’adhésion de quasiment tous les participants, à l’exception d’Alain, qui, à chaque fois, faisait mine de participer et chercher une réponse, pour finalement ne rien trouver, et ensuite, s’enfermer dans un mutisme rendant parfaitement inintelligible à mes yeux la lecture de son comportement, et la compréhension de la genèse qui l’avait amené jusqu’ici.

Afin de trouver au moins un axe de travail personnalisé avec lui, j’avais réussi à ménager en trois semaines, quatre ou cinq entretiens au cours desquels je tentais de lui extorquer le matériel nécessaire pour installer entre nous une discussion sur son problème d’emploi,… Mais en vain… 

En fait, « extorquer » est un bien grand mot, car à chaque fois, j’avais laissé la discussion se dérouler sur le mouvement inexorable des saisons, le manque d’hiver rigoureux vers l’Equateur et le manque d’été chaud et sec vers les deux pôles, et que même si le Pôle Sud s’appelait le Pôle Sud, il n’était a priori pas plus chaud que le Pôle Nord. De là, à changer la face du monde, il n’y avait qu’un pas que je m’abstenais bien entendu d’effectuer. 

Alain était pour moi une énigme, transportant sa tristesse et sa léthargie, là où d’autres pouvaient le pousser, restant spectateur de choses que certains trouvaient pourtant à leur pointure. 

Laissé à part par l’ensemble du groupe, il ne s’en offusquait nullement, en ayant l’air de se contenter des sarcasmes à peine contenus que quelques uns ne manquaient pas de lui adresser. J’avais d’ailleurs plusieurs fois dû le protéger contre les commentaires acerbes de certains.

Au début de la 4ème semaine de formation, un temps libre avait été mis au point pour que chacun puisse trouver une mission en entreprise, afin de démontrer sur le terrain, et dans l’action, son dynamisme et ses compétences. Si tous avaient pu effectuer les démarches nécessaires, Alain s’était contenté de lire les pages jaunes de l’annuaire, pour finalement ne pas téléphoner. Le lendemain, je décidai de le voir à nouveau en entretien :

  • Bonjour Alain
  • Hum ! Hum !…..
  • J’ai vu que ça n’était pas facile pour toi de faire des démarches….
  • Non, Hum … C’est pas ….  Mais c’est ….
  • C’est peut-être les pages jaunes de l’annuaire….
  • Oui, mais….  Non…. C’est le ….
  • Le téléphone aussi c’est délicat….
  • Non, c’est ….. L’hiver….. Pour …
  • Je te harcèle, je crois… 

A ce moment, je perçus un petit éclair dans le fond de l’œil d’Alain, petit éclair que je n’avais encore jamais surpris jusque là, et c’est à ce moment là qu’il me dit d’un trait :

  • Dis Christian, tu y crois toi aux vies antérieures ?
  • Euh….

Pour connaitre la suite et découvrir le reste de l’ouvrage…