Encore plus pareil (extrait de l’ouvrage)
Abdel, vingt-six ans, ouvrier du bâtiment, célibataire, imbu de sa personne, aimant beaucoup l’argent et les belles choses, sans emploi « officiel » depuis quatre ans, me questionne sur ce que je pense du travail non déclaré. Le sachant plus que concerné, pour ne pas dire pleinement impliqué par cette pratique, je lui expose mes points de vue :
- Tu vois, pas de rentrées d’argent si tu as un accident du travail, pas de droits acquis pour la retraite, le moyen âge social, et la pression, les soucis, les angoisses, ne dormir que d’une oreille, la peur de se faire prendre, de devoir rembourser !
- Bof, tu sais, la pression !… Y’a jamais de contrôle !
- Tu n’as encore pas été pris, c’est tout ! Mais le vrai contrôle, celui qui compte vraiment, c’est à la fin de la trajectoire qu’il s’effectue, quand on te demande tes feuilles de paie pour te payer ta retraite !
- La retraite, j’y suis pas encore, si j’y arrive ! Je suis pas sûr d’y arriver ! Mais là, tout de suite, on gagne quand même plus ! On touche le RSA ! On touche l’allocation logement ! Quand on est divorcé, on ne paie plus la pension alimentaire pour l’ex et les gosses ! On nique les impôts et les charges sociales ! C’est quand même pas mal tout ça, non, ça fait plus de fric maintenant dans les poches !
- Tu gagnes peut-être plus de fric maintenant… Tu as vingt-six ans, tu vis seul, tu n’as pas trop de besoins, mais quand tu seras plus âgé, si tu as une famille à nourrir, et si tu as le corps usé ou cassé : pas de sécurité sociale, pas de rentrées d’argent, la misère… Celui qui travaille au noir vit dans l’illusion des gains. Il pense qu’il choisit sa vie, qu’il est plus libre que les autres qu’il traite de « moutons », et que « niquer la société » est plus profitable que participer à la solidarité sociale et économique…
- L’important, c’est ce qu’on a dans la poche…
- C’est une illusion… Tiens, à ton avis, celui qui gagne vraiment de l’argent, celui qui en final a le plus d’argent dans les poches, c’est toi qui travaille au noir, ou celui qui te fait travailler sans te déclarer à l’Urssaf ?
- Les deux !!
- Si tu savais combien gagne vraiment celui qui te fait travailler au noir ! Je suis même sûr qu’il te fait croire que c’est ton ami ?
- Ouais !
- Il y a celui qui travaille au noir et qui croit gagner plus, et celui qui le fait travailler, qui le paie moins cher parce qu’il ne paie pas les charges, et qui au final gagne beaucoup plus… Tu sais, les escrocs, les vrais, sont ceux qui te disent qu’ils perdent beaucoup d’argent en te faisant croire qu’ils te font faire une bonne affaire. C’est ce qu’il te dit, n’est-ce pas, il te dit que c’est toi qui y gagnes le plus, parce qu’il te paie plus que si tu étais déclaré ?
- Ouais !
- Et que c’est la preuve qu’il est vraiment ton ami ?
- Ouais !
- Dans le cas du travail au noir, celui qui s’amuse à jouer à être le patron empoche l’argent de ses clients, sans avoir les vraies dépenses des vrais patrons, des vrais chefs d’entreprises. Il gagne tout de suite beaucoup d’argent sur le dos de ceux qui font le boulot, et il les met vraiment dans la « merde », mais pour plus tard !!!
- Ah bon !!
- Et plus tard, quand il s’agira de compter tes droits… Rien !
- Rien ?
- Rien ! A la rue ! Juste le RSA, quatre cents euros ! Et pour un mec qui aura bossé dur toute sa vie…
- C’est quoi ce cauchemar ?
- Oui, c’est un sacré cauchemar ! Tu fais bien de me parler de cauchemar, parce que toi, en ce moment, tu vis sur une grande illusion. Celui qui te fait croire qu’il te paie bien, te prend pour un con ! Ce n’est pas un patron que tu as, mais un margoulin, un délinquant, un zozo, qui en plus fabrique du chômage chez les autres, en vendant ses chantiers moins cher que les vrais patrons qui respectent la loi et qui paient normalement leurs salariés, en les déclarants ! Il abuse de ta confiance et de ton ignorance ! Il te prend pour un débile !
- Je suis pas débile !
- Il te prend pour un débile, je n’ai pas dit que tu étais débile ! Il t’oblige à raser les murs, il t’empêche de vivre ta vie au grand jour ! Par exemple, tu ne dois jamais laisser de traces, tu dois toujours tout payer en liquide, ça te complique ta vie sociale ! J’ai l’impression que tu manques d’ambition pour toi-même !… Et ce délinquant, c’est comme s’il te disait : « On joue à pile ou face : pile je gagne, face tu perds ».
- Tu peux répéter ?
- Pile je gagne, face tu perds.
- C’est salaud !
- Eh bien, pour celui qui te fait travailler au noir, c’est à ce jeu qu’il joue avec toi : pile il gagne, face tu perds !
- C’est dégueulasse !
- Oui, mais tu as le choix ! Tu as un vrai métier entre les mains, tu es maçon, qualifié en plus, et tu peux choisir… Si tu choisis la légalité, le respect, la justice, le droit et la solidarité, si tu choisis de pouvoir te regarder dans la glace droit dans les yeux, je pourrai te donner un coup de main, mais si tu veux rester avec ton margoulin qui joue les patrons de pacotille…
Pour connaitre la suite et découvrir le reste de l’ouvrage…